Améliorer l’accès aux services de santé mentale au Ghana
Accra – Un dramatique accident de la circulation a marqué un tournant pour Mariama Issifu. C’est lors du traitement de ses blessures que l’enseignante de 37 ans a été diagnostiquée pour la première fois avec un trouble bipolaire.
Mais au lieu de l’informer de son état, le personnel soignant lui a fait subir un mauvais traitement.
« J’étais déjà dans une situation peu commode parce que j’essayais encore de comprendre ce qui m’arrivait », se souvient Mariama, une habitante du district de Bongo, dans la région d’Upper East, au Ghana. « Compte tenu de ma faible estime de moi et du manque d’information, les travailleurs de la santé en ont profité pour me traiter de manière inhumaine, chose que j’ai du mal à oublier. »
« L’expérience que j’ai vécue dans ma quête d’accès aux soins de santé m’a fait me poser la question de savoir si je n’aurais pas fait mieux de rester chez moi sans aller à l’hôpital », ajoute-t-elle.
Des cas de violations des droits humains à l’encontre de personnes souffrant de troubles mentaux ont été signalés. Certains utilisateurs des services de santé mentale subissent même des pressions et un traitement forcé. Pour éviter les mauvais traitements, nombre de personnes choisissent de se faire traiter par des religieux et/ou par des guérisseurs traditionnels.
En outre, le système de services de santé mentale au Ghana pâtit d’un manque de professionnels qualifiés dans le domaine. En effet, on ne compte que 39 psychiatres pour l’ensemble de la population (soit 0,13 psychiatre pour 100 000 personnes). Or, on estime que 2,3 millions de personnes souffrent de troubles mentaux et ont besoin de soins dans le pays.
Cela signifie que l’accès aux soins est limité pour des personnes comme Mariama, qui vivent avec des problèmes de santé mentale dans les zones rurales où seulement 2 % de ces personnes reçoivent un traitement et un soutien psychiatriques. Un sous-financement important a limité la prestation de services de santé mentale.
En réponse, le Gouvernement du Ghana s’efforce d’améliorer la prestation de services de santé mentale dans le cadre de sa politique nationale de santé mentale pour la période 2019-2030.
Conformément à cette politique, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), grâce à un financement du Foreign, Commonwealth & Development Office du Royaume-Uni (FCDO), a lancé en 2019 une initiative triennale, dénommée QualityRights, dont la vocation est de relever la qualité des soins et de promouvoir le respect des droits fondamentaux des personnes vivant avec des troubles mentaux.
« Pour bien répondre aux besoins des patients, nous avons besoin de services de soins de santé mentale qui soient non seulement accessibles, mais qui respectent aussi les droits humains », déclare la Dre Joana Ansong, Administratrice technique de l’OMS chargée des facteurs de risque de maladies non transmissibles au Ghana.
Déployée à l’échelle nationale, l’initiative QualityRights prévoit notamment, dans ses activités, l’organisation d’une formation en présentiel et en ligne ciblant des prestataires de services de santé mentale, des soignants, des enseignants, du personnel de police, des responsables de la protection sociale, des responsables du corps judiciaire et des personnes ayant vécu l’expérience d’un trouble mental. En juin 2022, plus de 21 000 personnes avaient été formées sur une cible fixée à 50 000 personnes.
L’initiative permet d’aborder la question des droits et de l’accès à un traitement digne des personnes souffrant de troubles mentaux en mettant à disposition le programme de formation en ligne – couplé à un accompagnement en ligne dans le domaine de la santé mentale et portant sur les droits humains et le rétablissement – et en garantissant parallèlement la prestation de services complets conformes aux principes de rétablissement et aux normes internationales en matière de droits humains.
La formation en ligne est désormais un cours semestriel sur les droits humains et la santé mentale destiné aux spécialistes de la santé mentale et de la réadaptation communautaires du Ghana College of Nurses and Midwives. Depuis l’inclusion de ce cours dans le programme d’enseignement, 26 étudiants ont terminé avec succès cette formation certifiante et obtenu un diplôme en droits humains.
« L’Initiative QualityRights de l’OMS est un programme véritablement novateur qui vise à transformer la vie des personnes souffrant de troubles mentaux », indique Susan Adwoa Mensah, conseillère pour le développement social au FCDO. « Le Royaume-Uni est honoré d’avoir agi en partenariat avec l’OMS pour promouvoir des attitudes et des pratiques qui respectent la dignité et les droits, ainsi que des soins et un soutien holistiques centrés sur la personne », a-t-elle ajouté.
Pour des prestataires de services comme la Dre Ramata Seidu, psychiatre, l’initiative QualityRights est en train d’aider les psychiatres à relever la qualité de leurs prestations.
« Il y avait tellement de formes subtiles d’utilisation inappropriée de mon autorité de médecin dont je ne me rendais pas compte », admet-elle. « J’en suis venue à apprécier la façon dont je peux exercer mon autorité avec respect et dignité. »
David Naboare, président de la Ghana National Association of Community Mental Health Officers, abonde dans le même sens.
« Le problème avec bon nombre d’entre nous, c’est que nous pensons que nous devons utiliser tous les moyens nécessaires pour traiter les patients atteints de troubles mentaux, et c’est pourquoi nous constatons au quotidien l’agression et la coercition des usagers de ces services dans nos établissements. Ce qui pousse les patients à ne plus chercher à se faire soigner », souligne-t-il. « Ma pratique en tant que professionnel de la santé mentale a énormément changé. Grâce aux forums de discussion en ligne, à l’apprentissage par les pairs et au "coaching", j’ai désormais appris à impliquer mes clients dans la prise des décisions qui concernent leur santé. »
Il a également partagé sa nouvelle façon de voir les choses avec ses collègues. « Ensemble, nous commençons à établir de meilleures relations avec les usagers de nos services », dit-il.
L’impact de l’initiative n’a guère échappé aux usagers tels que Mariama. « L’accueil et le traitement se sont considérablement améliorés », se réjouit-elle, « et les formations m’ont permis de faire valoir mes droits à des soins de qualité ».
En plus de l’Initiative QualityRights, l’OMS et les partenaires devraient commencer à mettre en œuvre une Initiative spéciale de l’OMS pour la santé mentale au troisième trimestre de 2022, après son lancement officiel en juillet dernier. Il s’agit d’un projet quinquennal qui vise à élargir l’accès de 5,2 millions de Ghanéens supplémentaires à des soins de santé mentale intégrés et de qualité centrés sur la personne en faisant progresser la politique de santé mentale, le plaidoyer et les droits humains.
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